Sa fenêtre

Sa fenêtre figure parmi ses trouvailles préférées. S’inspirant de la photographie, il les a améliorées pour qu’elles enregistrent la lumière. Il lui suffit de souffler sur le verre et d’y tracer une date et une heure pour que les scènes passées du dehors reprennent vie sur le carreau.

Il revient souvent à une vision apparemment banale. La rue était silencieuse et presque déserte : seul un petit garçon s’y trouvait, qui répétait sans cesse les mêmes mouvements. Comme saoul, il bondissait d’abord sur l’épais muret qui longe la nouvelle église, avant d’enclencher des pas de danse confus. Il sautait ensuite par terre et lançait une bobine sur le trottoir d’en face, qu’il récupérait inlassablement, en gesticulant.

Il répéta cette séquence plusieurs fois pour dépenser son énergie et tromper son ennui.

Mais parfois il s’arrêtait net, hésitant, comme s’il se rappelait soudain qu’il était seul, qu’il n’y avait personne d’autre que lui et le double qu’il incarnait en alternance.